Ingénieur aéronautique, pourquoi j’ai créé ma marque de sportswear responsable

J’ai travaillé pendant 8 ans en tant qu’ingénieur aérodynamique. Une belle aventure, riche en découvertes, qui suivait (presque) paisiblement son cours. Pourtant, il y a un an, en mai 2017, nous avons quitté avec Hélène notre entreprise pour créer GAYASKIN, notre marque de sportswear responsable. Autant pour Hélène, sportive sensible à l’environnement, le chemin paraît presque naturel, autant le mien peut s’apparenter plutôt à un grand écart insensé, n’étant pas un grand sportif dans l’âme.

C’est sans doute pour cela qu’on me pose souvent la question : 

« Mais comment es-tu passé de l’aéronautique aux vêtements de sport ? »

Alors, voici les trois raisons…

Retourner dans l’enfance…

pradeep enfant

Non, détrompez-vous, l’expression consacrée ne marche pas ici… : je n’ai pas « baigné dans le textile depuis ma plus tendre enfance »

Mais l’univers des vêtements reste pour moi une expérience unique et marquante en Inde, où je passais régulièrement mes vacances. On pouvait nous-mêmes aller sélectionner des tissus dans des grands magasins, passer chez le tailleur familial pour prendre les mesures et voir quelques jours plus tard une chemise, un pantalon prendre vie : c’était toujours un instant magique de voir un vêtement à essayer après avoir vu le carré de tissu au magasin, et de faire quelques ajustements, pour enfin sortir avec SON vêtement à soi. Je me souviens d’ailleurs d’une année où ce pauvre artisan a pris un savon monumental pour des pièces beaucoup trop grandes… La faute en fait à une grosse tourista qui était passé par là entre les mesures et l’essayage !

Et puis, le sari, le vêtement traditionnel des femmes indiennes. Un monde si particulier mêlant étoffes de qualité exceptionnelles, couleurs flamboyantes et designs en tout genre. Le « shopping », non merci ce n’est pas du tout mon truc… Mais aller chercher LE sari du moment ? Débattre pendant de longues minutes de la nuance de bleu, du travail du fil d’or parmi les dizaines voire centaines de pièces que l’on vous présente ? Alors ça, oui !

zoom sari
magasin sari chennai

Consommer mieux pour se projeter dans l’avenir.

L’Inde et le textile, c’est aussi l’image de cette industrie complexe, avec ses travers et son fonctionnement injuste, que je commence à voir très tôt en tirant petit à petit le fil de la pelote : à partir du t-shirt « made in India » que je portais presque avec fierté étant petit, j’ai découvert peu à peu les aspects moins sympas de la culture du coton, des conditions de production etc…

Alors, dès qu’il s’agit d’environnement et d’éthique, il n’y a pas selon moi de recette miracle : il est indispensable d’avoir un moteur, des raisons qui nous parlent et nous poussent à agir. Voici les miennes :

  • Se sentir bien : faire attention à son environnement, à ce que l’on mange, c’est un pas vers une meilleure santé, car on s’entoure de produits sains, et on espère avoir un environnement pas trop dégradé tout au long de sa vie.
  • Partager et transmettre : mieux consommer, c’est penser à toute la chaîne en refusant les déséquilibres et favoriser les circuits qui rémunèrent justement les producteurs. C’est accepter de partager les ressources avec les autres, de distinguer l’envie du besoin. C’est aussi penser à l’avenir, se projeter dans un mode de vie qui dure. Bref, être altruiste !

C’est pourquoi depuis quelques années, on a commencé par s’attaquer à l’alimentation à la maison. D’abord dans un souci de bien-être (je vous passe tous les reportages angoissants sur le sujet…), puis aussi pour l’environnement :  saviez-vous par exemple qu’un kg de viande de bœuf est responsable de l’émission de 27 kg de CO2 ?

On essaie ainsi de manger beaucoup plus végétarien, en gardant la viande pour 2-3 repas maximum dans la semaine. Pour les légumes, on a réussi à consommer local et beaucoup plus de saison : on achète tous les vendredis chez un producteur à 2 km de chez nous. Et pour la viande, on privilégie les bonnes pièces chez le boucher du coin. Traçabilité, et surtout goût assuré ! Les producteurs y trouvent aussi leur compte, puisqu’on limite les intermédiaires.

legumes producteur local

Et puis, ça nous oblige aussi à consommer en accord avec les saisons !

Petit à petit, on se prend au jeu. Fort de ces petits succès, on veut faire mieux, aller plus loin dans cette démarche. Alors on est enfin passé au chapitre suivant : celui qui nous tient aussi à cœur, le textile et tout cet univers de l’apparence, de la mode. Aïe aïe aïe, le constat est là presque sans appel : c’est une autre paire de manches !

Le textile, ce n’est pas l’agriculture, difficile d’aller chez le producteur du coin pour se servir en chaussettes. Et l’offre éthique et éco-responsable reste encore embryonnaire, pas toujours facile d’accès pour un changement radical de comportement : pour vraiment faire bouger les choses, il fallait sans doute mettre la main à la pâte.

Dépasser ses limites !  

Ça tombe bien : il y avait aussi cette envie un peu latente « d’entreprendre ». Cette excitation mêlée d’une bonne angoisse à l’idée de quitter les sentiers battus, de sauter un peu dans le vide.

Entreprendre, c’est tout simplement dépasser ses limites. Alors, non, je ne vais pas vous sortir le classique « quitter le confort du CDI et du salaire assuré, pour vivre dans une situation précaire ». Mais après avoir passé toutes ces années à être guidé, soutenu, et suivi une voie presque toute tracée, difficile de savoir qui l’on est réellement, « ce que l’on a dans le ventre », quel est notre « impact » dans la société. Pour répondre à ces questions, il n’y a pas d’autre moyen que de sortir de sa zone de confort.

Entreprendre, c’est aussi prendre son destin professionnel en main : avoir la vision sur l’ensemble d’un produit, des premières esquisses à la vente, et voir les conséquences directes de ses choix. Que ce soit dans le bon ou le mauvais sens !

Il était donc peut-être temps de se mesurer à soi-même. De perdre tous ces repères à la fois salutaires et limitants. Et de se battre, pour enfin à un moment les dépasser…

etretat précipice

Petit sentiment d’être au bord du précipice !

Comme un trait d’union : le sportswear responsable. 

Il y en a bien une qui, sportivement, se dépense et se dépasse déjà depuis pas mal de temps. Progresser, aller chercher ses limites : c’est bien Hélène tout crachée, ma collègue d’en face d’alors. Sensible à la protection de l’environnement, aussi ! Et avec sa répartie implacable, plutôt facile de me remettre à ma place : « C’est bien beau les vêtements éco-responsables Pradeep, mais sans activité sportive… » 

Et puis de fil en aiguille, de chambrage en vraies discussions, a émergé ce projet, matérialisé aujourd’hui par une marque, GAYASKIN. Une façon pour moi de retrouver ce rapport un peu spécial aux vêtements – choisir ses tissus, élaborer ses designs avec une professionnelle, voir le produit prendre vie à l’atelier – tout en nous projetant dans l’avenir, dont l’une des clés est la consommation responsable. Et gros clin d’œil : quoi de mieux que l’univers du sport pour porter ces valeurs, et moi, aller un peu chercher mes limites…

legging gayaskin

Une de nos premières sessions d’essayage des prototypes : on guette tous les détails à améliorer pour proposer le produit parfait.

En proposant des vêtements techniques pour les sportives, à base de matières recyclées – bouteilles en plastiques, filets de pêche – GAYASKIN se veut à l’image de ce qui nous lie Hélène et moi : une marque sportive, humaine et respectueuse

2 Commentaires sur “Ingénieur aéronautique, pourquoi j’ai créé ma marque de sportswear responsable

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