Comment reconnaître le greenwashing dans la mode ?

Pourquoi le greenwashing est problématique ?

Définition : D’après l’ADEME, le greenwashing (ou « blanchiment écologique ») est le mot utilisé communément lorsqu’un message de communication abuse ou utilise à mauvais escient l’argument écologique.

Pourquoi c’est problématique ? Lorsque le greenwashing est très présent dans un domaine et que l’on se retrouve face à des allégations de vertu venant de toute part et étant toutes plus incroyables que les précédentes (et parfois contradictoires), cela crée un phénomène soit de rejet, soit d’habitude et de désintérêt. Ce qui nuit fortement aux organisations qui font réellement bien les choses (que ce soit entreprises, associations ou administrations). La mode étant une industrie extrêmement polluante, est touchée par ce phénomène.

Alors comment faire la part des choses et déceler les messages trompeurs? Nous avons identifié 4 questions à se poser lorsque l’on cherche si une marque ou un produit en particulier sont bien éco responsables. Pour chacune de ces questions, vous trouverez une réponse en 2 parties : 1) des éléments de réponse rapide : « je veux valider mon achat en 5 minutes » 2) une réponse plus poussée : « j’ai le temps de creuser ».

Est-ce que les informations expliquant la démarche de la marque sont 1) faciles à trouver 2) concrètes et tangibles ? La marque fait-elle l’effort d’utiliser des alternatives aux matières les plus polluantes ? Est-ce que je sais d’où vient mon produit et s’il a été fabriqué dans de bonnes conditions ? Est-ce qu’il y a des incohérences profondes dans la démarche de la marque ?


Des « Focus » permettront de détailler des notions spécifiques
.
Les sources et ressources sont disponibles à la fin de cet article.

La facilité à trouver des informations concrètes

Je réponds à la question

Est ce que les informations expliquant la démarche de la marque sont 1) faciles à trouver 2) concrètes et tangibles ?

Je veux valider mon achat en 5 minutes…

  • Parcourir la page « à propos » (marque/valeurs/démarche/about…) et vérifier que la marque explique clairement et concrètement ce qu’elle fait pour produire de manière plus responsable. Je ne dois pas avoir l’impression qu’on essaie de me cacher quelque chose ou qu’on me laisse dans le flou.
  • Vérifier si les fiches produit indiquent systématiquement la composition du vêtement et le pays de fabrication. Je n’ai pas besoin d’écrire à la marque pour avoir ces quelques informations basiques.

J’ai le temps de creuser…

  • Chercher ce que l’on peut attendre de la marque à l’avenir. Certaines marques peuvent afficher une feuille de route, expliquer leurs recherches d’amélioration en cours et leurs limites actuelles. Avoir accès facilement à « ce qui marche moins bien et pourrait être amélioré » est bon signe et montre une certaine volonté de transparence.
  • Ecrire à la marque avec ses questions si quelque chose n’est pas clair. Cela doit être une démarche simple : on doit pouvoir contacter la marque facilement et obtenir une réponse claire à la question posée.

Les matières

Je réponds à la question

La marque fait elle l’effort d’utiliser des alternatives aux matières les plus polluantes ?

Je veux valider mon achat en 5 minutes…

  • Trouver l’info de composition du vêtement dans la page produit (si celle-ci n’est pas indiquée : cf paragraphe précédent, il y a un souci de transparence).
  • Le tableau ci-dessous peut vous aider à juger l’information trouvée
    (Remarque : Le but de ce tableau n’est pas de prendre parti pour telle ou telle matière, mais d’indiquer pour chacune les alternatives plus responsables qui montreraient un effort concret de la marque.)
Types de matières Alternative plus responsable
Matières naturelles d’origine végétale Matières naturelles bio et/ou plus locales et/ou recyclées (ex : coton bio, coton recyclé, lin)
Matières artificielles : rayonne, viscoses (y compris viscose de bambou) Viscoses écologiques utilisant des solvants en circuit fermé et de la cellulose issue de forets locales et gérées durablement (ex : Tencel, Lenzing Ecovero)
Matières synthétiques (polyester, polyamide, nylon, élasthanne, acrylique) Matières synthétiques recyclées (ex : Econyl, PET recyclé) ou bio sourcées (ex : polyamide à base de ricin)
Matières naturelles d’origine animale (laine, soie, cuir) Matières animales recyclées (ex : laine ou cuir recyclés), simili-cuirs à base de végétaux (ex : cuir de pommes, cuir d’ananas)
/ Up cycling en général (ex : rideaux, pneus de vélos…)

*Up-cycling = réutilisation de matières abandonnées pour en faire un produit de qualité supérieure, sans grand procédé de recyclage (ex : on utilise un vieux rideau tel quel pour en faire une robe plutôt que de revenir à son état de fibre, retisser un tissu etc…)

J’ai le temps de creuser…

  • Chercher si les différentes matières sont labellisées. Les principaux :
    • GOTS pour du biologique (attention au label BCI pour le coton, cf sources)
    • GRS pour du recyclé
    • Tencel pour le lyocell
    • Oeko Tex pour les problématiques de nocivités des tissus et teintures (notamment métaux lourds)
  • Regarder si la fiche produit indique systématiquement, en plus du pays de confection, la provenance des matières premières (culture/collecte, filage, tissage, teinture) et comprendre s’il y a une volonté de circuit court de la part de la marque.

La provenance et les conditions de fabrication

Je réponds à la question

Est ce que je sais d’où vient mon produit et s’il a été fabriqué dans de bonnes conditions (de santé, sécurité et normes sociales) pour les travailleurs ?

Je veux valider mon achat en 5 minutes…

  • France ou Europe : les normes sanitaires et sociales inhérentes à la législation en vigueur sont en théorie gages de production éthique. Néanmoins cette généralité est à prendre avec des pincettes et des dérives existent (cf encadré « Focus » plus bas).
  • Asie / Amérique latine / Afrique : les critères sociaux et environnementaux étant beaucoup moins strictes qu’en Europe, la marque doit apporter des éléments de justification. Les labels « Fair Wear Foundation » et « Max Havelaar » (label qui concerne seulement la fabrication du coton, donc la matière première et non le produit fini) sont les principaux. Les labels « GOTS » et « GRS », vus précédemment pour les matières, concernent également les conditions de travail (mais donc attention, ce sont donc généralement les conditions de travail pour la matière première et non l’assemblage).

Attention aux subtilités des termes de fabrication, notamment lorsqu’il s’agit de la fabrication française :

Légalement, cela signifie que plus de 40% du cout de revient du produit va à une entreprise française ou que la dernière étape de transformation « substantielle » a été réalisée en France. Donc attention, un Tshirt fabriqué intégralement au Bangladesh pour 3 euros mais brodé en France pour 3 euros peut se dire made in France car 50% de son cout de revient est en France).

L’idée et le dessin du produit ont été fait sur le territoire français (stylisme et dessin des motifs par exemple). Cela n’implique en rien la fabrication du produit.

Cela n’implique rien sur les autres étapes de fabrication et veut quasiment toujours dire implicitement « filé, teint, confectionné [ailleurs] puis personnalisé en France ».

L’étape d’assemblage de découpe et assemblage tissu est réalisée en France. Cela ne garantit donc pas que les étapes précédentes aient été faites en France. A noter quand même : cette étape est très couteuse dans la fabrication d’un vêtement (et plus le produit est complexe, plus c’est le cas). Cela traduit donc un vrai effort de pour la marque.


Soyez en sûrs : une entreprise qui produit quasiment 100% en France ou en Europe (hors récolte de la matière première mais tissage, teinture, confection, broderie etc…) sera fière de le montrer
. Son produit lui a coûté plus cher à produire, elle a donc tout intérêt à dire clairement que toutes les étapes de transformation sont faites en France ou en Europe en l’indiquant à minima dans sa page « à propos » et si possible en le rappelant sur ses fiches produit.

J’ai le temps de creuser…

  • Comme pour les matières, essayer de chercher les labels qui garantissent l’origine du produit. Pour le made in France : « France Terre Textile » et « Origine France Garantie ».
  • Voir si l’on a accès à des rapports d’audits des ateliers, des photos des visites, des informations montrant que la marque est en contact direct avec ses fournisseurs et qu’il n’y a pas une longue chaine d’intermédiaires, ce qui augmenterait le risque de finir par travailler avec des ateliers ne respectant pas les droits des travailleurs.
  • Voir si les adresses précises des différents fournisseurs sont indiquées. Cela ne donne pas de garantie de bonnes conditions de travail, mais ça ne peut aller que dans le bon sens. Par exemple, dans le scandale des Ouighours, il était utile de comprendre si telle ou telle marque avaient des usines dans les régions impliquées. Attention néanmoins, il peut y avoir des accords de confidentialité et une volonté des marques de ne pas donner gratuitement accès à leur chaine de production.

La philosophie globale

Je réponds à la question

Est-ce qu’il y a des incohérences profondes dans la démarche de la marque ?

Je veux valider mon achat en 5 minutes…

  • Vérifier si la marque propose des réductions agressives (en termes de pourcentage ET de présence sur le site) hors périodes de soldes ou fait des offres qui poussent à consommer beaucoup plus. Par exemple, proposer une tenue offerte pour une tenue achetée est plus problématique que 50% de réduction car cela pousse à prendre une pièce dont on n’a pas forcément besoin.
  • Comprendre si la notion d’éco responsabilité concerne une toute petite partie des collections ou si c’est vraiment dans l’ADN de la marque. Si une gamme « green » existe, on peut par exemple filtrer les produits et rapidement évaluer la proportion entre le nombre de produits de cette gamme et le nombre de produits au total. On peut également être alertés par l’écart entre le faible % de produits éco-conçus et l’omniprésence des arguments éco sur la page d’accueil.

J’ai le temps de creuser…

  • Si l’on suit la marque depuis longtemps : évaluer la fréquence de sortie des nouvelles collections. Sortir toutes les 2 semaines une nouvelle collection de 30 pièces qui remplace la précédente n’est pas bon signe et sera certainement synonyme d’invendus et de soldes fréquentes.
  • Chercher si la marque propose des services permettant de réduire le nombre de pièces produites : les précommandes, la location et la réparation des pièces usagées sont autant de systèmes qui iront en ce sens.
  • Chercher des informations sur l’acheminement des produits, la méthode d’emballage, la politique de gestion des invendus, la fin de vie des produits etc. une démarche cohérente doit prendre en compte toute la chaine de production.

Attention : incohérences, ne veut pas dire compromis. Ne pas être parfait sur tous les points ne signifie pas forcément faire du greenwashing. On parle ici de vraies dissonances dans la philosophie globale. Et si vous pensez que quelque chose ne semble pas être pris en compte par une marque et peut être amélioré, écrire un message bienveillant.

Sources et ressources pour aller plus loin

Les tiers de confiance pour vous aider :

Bien sûr, la majorité des éléments communiqués par les marques restent purement déclaratifs et il se peut que certaines ne soient pas honnêtes. Mais il serait impossible en tant que consommateur de tout remettre en cause à chaque produit acheté.

Il existe cependant des tiers de confiance indépendants qui aident à y voir plus clair et surtout, qui peuvent pousser « l’enquête » bien plus loin que la simple analyse du site.

SloWeAre est sans doute le plus connu d’entre eux dans le domaine de la mode éthique. Le label vérifie une à une les allégations des marques en retraçant toute leur chaine de production (via factures, labellisations et autres documents de preuves) et en analysant la cohérence de leur démarche.

Vous pouvez retrouver ici l’article complet dédié à l’audit SloWeAre.
Et ici directement le site de SloWeAre.

Le guide anti-greenwashing de l’ADEME :

Le guide anti-greenwashing de l’ADEME, qui permet de reconnaitre le greenwashing et l’éviter. Un peu long, mais très pertinent, applicable à tous domaines et avec des exemples concrets.

http://antigreenwashing.ademe.fr/sites/default/files/docs/ADEME_GREENWASHING_GUIDE.pdf

Les vidéos décryptages d’Iznowgood :

Dans chaque vidéo, Céline choisit une marque dont elle décrypte le discours et les arguments en direct à l’aide des infos qu’elle trouve sur son site (et parfois plus). L’idéal pour mettre en application nos conseils et prendre les bons réflexes.

https://www.youtube.com/c/Iznowgood/videos

Les ateliers textiles proche de chez nous, pas toujours plus fiables :

Quelques articles sur les ateliers textiles ne respectant pas les normes en France/Europe/bassin méditerranéen :

https://www.francetvinfo.fr/replay-magazine/france-2/envoye-special/video-aubervilliers-nouvel-empire-du-textile-chinois_915101.html

https://www.lexpress.fr/actualite/monde/europe/royaume-uni-pres-de-10-000-esclaves-dans-les-ateliers-textiles-de-leicester_2130803.html

https://www.lexpress.fr/actualites/1/monde/maroc-au-moins-24-morts-dans-l-inondation-d-un-atelier-textile-clandestin-a-tanger_2144447.html

Le problème du coton BCI :

https://blog.la-pigiste.com/2019/03/25/la-vaste-arnaque-du-coton-de-la-filiere-better-cotton-initiative-bci/

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